Newsletter Eté 2022
Effondrement et parentalité: L’amer à boire?
par Tarik Bouriachi
Les parents qui comme moi sont nés dans les années 80/90, ont vécu la montée en puissance des connaissances mais surtout de la diffusion de nouvelles toujours plus catastrophistes à propos des conséquences néfastes de nos modes de vie sur notre environnement. Nous qui avions comme contexte le triomphe de l’utopie techno-libérale que certains ont appelé la fin de l’histoire, avons été les témoins plus ou moins complices d’une fuite en avant mortifère et de ses conséquences collatérales sur l’environnement, la biodiversité, ou l’accentuation des inégalités sociales.
De fait, il n’est pas surprenant du constater que 78% des parents pensent que leurs enfants vivront moins bien qu’eux du fait des conséquences du dérèglement climatique. Cette écoanxiété a des conséquences directes et concrètes sur nos enfants, dont 83% pensent que nous avons échoué à prendre soin de la planète. C’est un peu comme s’il y avait une forme de transmission de la peur qui devient une inquiétude anticipatoire[1] ou dit autrement un stress pré-traumatique. Quand 75% des jeunes interrogés anticipent un avenir effrayant[2] on peut parler de deuil écologique[3].
Face à cette nouvelle forme de détresse psychique deux attitudes antagoniste émergent : l’attitude collaspsosophe – qui renvoie à une vision consistant à assumer l’effondrement et vivre avec- et l’attitude collapsophobe, qui cultive le déni et la passivité. Ainsi, pour ces jeunes, sévères avec leurs gouvernements dont ils considèrent l’inaction comme une trahison, répondent parfois par un fatalisme dépressif qui s’illustre en partie dans l’abstention de 75% des 18-24 ans lors de la dernière élection législative en France[4] ; mais aussi par l’expression d’un besoin irrépressible de se battre pour faire entendre leur voix, notamment par le recours aux tribunaux et à la désobéissance civile et ce que cela entraine de répression et parfois de morts[5].
Ces attitudes sont aussi la manifestation d’un rapport différencié à l’utopie. En effet, une enquête[6] réalisée sur le rapport des Français aux utopies, montre que l’utopie écologique est largement plébiscitée par 51% des sondés (contre39% pour l’utopie identitaire-sécuritaire, et 10% pour l’utopie techno-libérale). Cette étude montre aussi une surreprésentation des jeunes (61% contre 51%) dans ceux qui se déclare adhérer à l’utopie écologique.
En tant que parents, nous avons la responsabilité d’accompagner nos enfants vers un optimisme constructif qui met en avant les aspects avantageux d’une situation sans s’appesantir sur les désagréments et de se focaliser sur les opportunités individuelles et collectives plutôt que sur les obstacles. Un des outils pour le faire est la pédagogie qui par essence se réfère « implicitement ou explicitement, à une société idéale que l’éducation aurait précisément pour mission de faire advenir »[7] mais aussi car elle donne un sens et une orientation aux tentatives de transformation du monde réel.
Cette approche à la pédagogie peut avoir des manifestations très concrètes telles que les balades dans la nature, la cuisine de produits de saison, le jardinage ou encore la valorisation du bricolage et de la réparation. Il s’agit aussi de mettre en perspective les informations parfois techniques et parcellaires qui proviennent d’internet, ou de créer des espaces de discussions et de collaboration entre pairs où l’interpersonnalité positive est associée à une plus grande attention aux autres et renforce les liens.
[1] Eco-anxiété : analyse d’une angoisse contemporaine, Eddy Fougier, Fondation Jean Jaurès, 2021 [2] Etude parue dans le journal scientifique The Lancet Planetory Health s’appuyant sur un sondage réalisé auprès de 10000 jeunes, âgés de 16 à 25 ans issus de 10 pays ( Australie, Brésil, France, Finlande, Inde, Nigéria, Philippines, Portugal, Royaume-Uni, Etats-Unis) [3] Ashlee Cunsolo et Neville Ellis, « Ecological grief as a mental health response to climate change-related loss », Nat. Clim. Change, vol. 8, 2018 [4] https://www.la-croix.com/France/Legislatives-2022-linquietant-decrochage-jeunes-2022-06-18-1201220683 [5] En 2018, au moins 164 défenseurs de l’environnement sont morts en se battant contre des projets miniers, forestiers ou agro-industriels, selon le bilan annuel de l’ONG Global Witness. [6] L’observatoire société et consommation (Obsoco) a interrogé 2000 français de 18 à 70 ans sur leur rapport aux utopies en fonction de plusieurs scénarios. [7] La pédagogie comme fondement d’une utopie éthique – François Galichet 2016 https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2006-1-page-101.htm
Interview avec Sophie du kot Oasis
par Magalie
Comme vous le savez sûrement, la ferme accueille des woofers pour aider aux projets. Une woofeuse de passage, Sophie, nous parle de son kot à projet : l’Oasis.
Q : Tout d’abord, qu’est-ce qu’un kot à projet (ou Kap) ?
R : Un Kap est un groupe d’étudiants qui sont réunis par un intérêt commun. On y retrouve les « internes » qui viennent ensemble, ils partagent le même kot (ou apparemment). Il y a également les « externes » qui participe au projet bien que ne vivant pas au kot.
Les Kaps sont financés par l’Université, et gérés par l’Organe (ASBL). Il y en a 79 en tout. Les kaps sont comme des petites ASBL, ils s’organisent avec un président, un trésorier, un secrétaire, des réunions, des événements…
On peut trouver des Kaps sur la musique, la photographie, les maths, la fermentation, le sport…
Q : Qu’est-ce que (le kap) l’Oasis ?
R : C’est un kap de simplicité volontaire. La simplicité volontaire tourne autour de 3 axes : ralentir, désencombrer et tisser des liens. C’est un mode de vie que nous essayons d’atteindre et d’apprendre aux autres à travers différentes activités.
À l’Oasis nous sommes 8 internes et 3 à 5 externes.
Pour en savoir plus sur l’Oasis :
https://www.facebook.com/oasislekot/
Q : Quelles sont les activités proposées ?
R : D’abord, il faut savoir que tout le monde, étudiant ou non, peut participer aux activités proposées par les Kap.
Nous organisons des formations à la méditation. Nous travaillons avec le centre Reliance, nous faisons le lien entre les formateurs et les participants afin de proposer à prix réduit une formation de 8 semaines (2h/séance).
Le festival « Il en faut peu » est une foire où 9 participants sont invités pour partager sur divers sujets : vivre en tiny house, les lombricomposteurs, produire soi-même toute sa nourriture… Chaque témoin a son stand où l’on peut aller poser des questions et écouter leurs témoignages.
Le banquet illégal consiste à un grand repas dont les plats sont préparés à partir des invendus des magasins destinés à la poubelle. Nous allons chercher toutes les vivres et préparons de bons plats avec. Cela permet de sensibiliser au gaspillage alimentaire et montrer aux gens que l’on peut en faire de bonnes choses à manger.
L’activité « discu-thé » est une table d’échange. Le sujet est donné en avance, ceux qui veulent peuvent venir. Autour de table avec différents sous-sujets, les gens échangent et débattent autour d’un thé.
Nous publions également un journal de bonnes nouvelles. Dedans nous communiquons avec les étudiants sur notre projet, nous présentons des initiatives ou projets différents, nous partageons des recommandations culturelles (tout type de médias) et des interviews comme celles d’une bibliothérapeute ou d’une boulangère/brasseuse zéro déchet.
Notre dernière activité est le « troc de kot », une grande donnerie étudiante.
Q : Avez-vous des projets communs avec d’autres Kap ?
R : En effet, d’autres Kap sont orientés également écologie/style de vie alternative. Avec 11 autres kots à projets comme : le Kap sûr l’avenir, le Kout’pouce, le Develop’kot, le Kap Vert, le Kot Planète Terre… nous organisons le festival « Cap transition » une fois par an. Durant 3 jours, nous proposons différentes activités pour un mode de vie plus durable et respectueux de l’environnement.
Pour en savoir plus sur le Cap transition : https://www.captransition.be/
Q : Est-ce que la vie en Kap t’a changée ?
R : Évidemment, déjà il y a la joie d’être kapiste et la vie en communauté avec de belles personnes. C’est une expérience qui change les gens. Tu peux développer de nouvelles compétences en gestion, ta créativité, etc. Ça augmente aussi la confiance en soi. On apprend également énormément de choses, à travers nos activités et nos rencontres. La vie de kapiste n’est pas assez connue, mais vaut vraiment la peine qu’on s’y intéresse, il y en a pour tous les goûts.
Q : Tu es ici en woofing, est-ce en lien avec ton projet ?
R : Oui, c’est une expérience de simplicité volontaire. Vivre ici deux semaines me permet de tisser des liens avec les membres de la ferme que je ne connaissais pas. Des vacances comme ça permettent de ralentir, d’être concentré sur les actions faites la journée. On participe à un projet en n’étant qu’une pierre à l’édifice. Je participe au développement de la ferme en sachant que le résultat de mon travail ne sera visible que dans quelques mois quand les plantes auront poussé. Et le désencombrement se fait par un retour à la nature et à ce qui est essentiel. La terre nourricière, je peux directement me rendre compte de ce que nous mangeons, d’où cela provient.
J’avais déjà vécu d’autres expériences dans le passé comme en participant à un projet de protection des tortues au Costa Rica. Et dans une autre ferme qui pratiquait la permaculture.
Ici, à la ferme du bout du monde, je retrouve la face « tisser les liens » de la simplicité volontaire. C’est un lieu qui porte plein de beaux projets qui m’intéressent, comme le projet d’école sociocratique.
Q : Quels sont tes projets pour l’avenir ?
R : Mon rêve serait de vivre en écolieu, voire d’en créer un. C’est sur le long terme donc d’ici là je prends toutes les expériences possibles (formation en permaculture, en sociocratie…).
Merci beaucoup à Sophie pour ton temps et ton esprit positif et joyeux qui ont beaucoup enrichi la Ferme du Bout du Monde. <3